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Microbiote : Sauvons les microbes !

Pascale Frémeaux • sept. 17, 2020

Le microbiote est un allié indispensable de notre santé et de notre alimentation. Alors pourquoi tout désinfecter ?

Depuis plus d’un siècle, les normes et les règles d’hygiène ont envahis notre mode de vie. Encore plus aujourd’hui en période de pandémie. Chacun d’entre nous, par peur de contamination, redouble d’effort pour tout désinfecter. Pourtant, certains de ces microbes sont absolument vitaux et leur traque systématique va à l’encontre tant de notre santé que de notre gastronomie et de notre environnement. Le microbiote est vital !

Certes, la mise en place à la fin du 19 ème , de campagnes hygiénistes de luttes contre les microbes pathogènes (dangereux) a permis de vaincre de nombreuses maladies infectieuses mais malheureusement nous avons peut-être, par une utilisation irraisonnée de la désinfection et de l’aseptisation, aussi jeté bébé avec l’eau du bain.

Aujourd’hui tout le monde a entendu parler du microbiote ( définition *) : constitué de l’ensemble des micro-organismes non pathogènes – bactéries, virus, parasites, champignons – , dits commensaux car vivants en symbiose avec son hôte (l’humain) dans un environnement spécifique.

Vous vous croyiez seul ? Vous portez en vous un écosystème complexe d’interactions microbiennes.

Dans chaque organisme vivant, cohabitent plusieurs microbiotes : au niveau des intestins, de la peau, du nez, des cils, de la bouche, du vagin, des oreilles et autour des yeux … Ces colonies ne se limitent pas à une masse compacte à forte densité de microbes (en moyenne 1,5 à 2 kg du poids total du corps, plus petits mais aussi plus nombreux que l’ensemble de nos cellules) mais doivent être considérés comme une organe à part entière, une communauté vivante complexe, qui s’entretient et prospère tout en travaillant à la protection et au bon fonctionnement de l’organisme tout entier.

Dès le début du 20ème siècle, des scientifiques avaient déjà eu l’intuition que les organismes vivants avaient besoin de certains microbes pour vivre correctement mais ils n’en avaient pas la preuve. En 1899, Henry Tissler, chercheur à l’Institut Pasteur de Paris, a signalé avoir détecté une bactérie en forme de Y nommée «bifidobactérie» dans les intestins des nourrissons allaités. Tissler a constaté que les nourrissons qui possédaient ces bifidobactéries dans leurs voies digestives avaient moins de problèmes gastro-intestinaux.

Quelques années plus tard, d‘autres chercheurs comme le prix Nobel Russe Elie Metchnikoff en 1907 ou le microbiologiste Japonais Minoru Shirota en 1937, soutinrent la thèse que la longévité de certaines populations était liée à la consommation régulière de produits laitiers fermentés qui auraient pour propriété de maintenir un équilibre au niveau du côlon entre les mauvaises bactéries (les pathogènes) et les bonnes bactéries de la flore intestinale. Petite anecdote : dans les années 1920, le yaourt était distribué en pharmacie pour contrer les « désordres intestinaux ».

Ce n’est que depuis la commercialisation des premiers « probiotiques » terme utilisé par opposition aux antibiotiques dans les années 80 et le développement de nombreux travaux consacrés à la « flore » intestinale que l’on qualifie désormais de « microbiote » intestinal que son existence même est apparue au grand public.

L’étude MetaHIT pilotée par l’INRA en 2008 et la publication des résultats de l’étude « Human Microbiome Project » de 2018 ont permis de mettre en lumière, grâce au séquençage génétique, l’ensemble des matériels génétiques et les innombrables rôles des populations de microbes vivants sur les humains .

Même si cette toute nouvelle branche de la recherche en microbiologie, n’en est qu’à ses balbutiements, elle nous renseigne déjà sans équivoque sur l’importance de protéger nos colonies microbiennes .

Des micro-organismes qui nous protègent activement et collaborent aussi au bon fonctionnement de nos organes.

Microbiote. Une protection directe par compétition et écran antibactérien.

Pour survivre ils doivent lutter contre tout compétiteur, occuper le maximum de terrain et conserver pour eux le plus de nutriments. Ils sont notre première ligne de défense contre de potentiels agresseurs.

D’une part, ils capturent les ressources alimentaires dont ils privent les pathogènes ; d’autre part, ils contrôlent et détruisent les potentiels microbes dangereux en embuscade.

Prenons l’exemple du microbiote cutané, un biofilm discret et discontinu composé de bactéries et de levures qui participent à la protection directe et indirecte de la peau :

Staphylococcus epidermidis secrète des phénols au rôle antibiotique à large spectre, Staphylococcus lugdunensis synthétise une protéine antibiotique qui détruit Staphylocoque doré dont 10 à 30 % d’entre nous seraient des porteurs sains mais dont la prolifération est source de lésions graves voir de septicémie.

A méditer lorsque vous utilisez du gel hydralcoolique à longueur de journée, un bactéricide puissant qui détruit toutes les bactéries. Vous n’éviterez pas les pathogènes en tuant tous les microbes, bien au contraire !

Une protection indirecte : la réactivation immunitaire.

En plus de la protection directe, les microbes « pré-activent » localement les cellules de l’immunité : les lymphocytes et les rendent plus compétents pour réagir face à une éventuelle infection. Il s’agit là, d’une protection indirecte par réactivation du système immunitaire.

Mais leurs rôles ne se limitent pas à cette protection active, le microbiote contribue aussi à de nombreuses et indispensables fonctions physiologiques :

Parmi lesquelles, nous pouvons citer (liste non exhaustive):

Le développement normal de la morphologie intestinale,

le maintien d’une réponse immunologique et inflammatoire, l’intestin renferme, à lui seul, plus de la moitié des tissus lymphoïdes (lieu de production des anticorps capables de détruire les corps étrangers, bactéries et virus ennemis)

Le renforcement de la fonction de barrière de la muqueuse intestinale pour éviter que des micro-organismes pathogènes ne s’accrochent et que les allergènes passent à travers cette barrière,

La dégradation des aliments non digérés,

La dégradation d’une partie du mauvais cholestérol ,

La transformation de certains médicaments pour les rendre fonctionnels,

La digestibilité des protéines du lait,

L’augmentation de l’acidité de l’intestin, empêchant ainsi le développement de nombreux germes,

La synthèse des vitamines B et K .


Andhyala SM, Talukdar R, Subramanyam C, Vuyyuru H, Sasikala M, Nageshwar Reddy D. Role of the normal gut microbiota. World J Gastroenterol. 2015;21(29):8787-803.

Shreiner AB, Kao JY, Young VB. The gut microbiome in health and in disease. Curr Opin Gastroenterol. 2015;31(1):69-75.

Walker AW, Sanderson JD, Churcher C, et al. High-throughput clone library analysis of the mucosa-associated microbiota reveals dysbiosis and differences between inflamed and non-inflamed regions of the intestine in inflammatory bowel disease.BMC Microbiol. 2011;11:7.

Ley RE, Turnbaugh PJ, Klein S, Gordon JI. Microbial ecology: human gut microbes associated with obesity.Nature. 2006;444(7122):1022-1023.

Russell SL, Finlay BB. The impact of gut microbes in allergic diseases.Curr Opin Gastroenterol. 2012;28(6):563-569.

Hornig M. The role of microbes and autoimmunity in the pathogenesis of neuropsychiatric illness.Curr Opin Rheumatol. 2013;25(4):488-795.


Notre nourriture et notre propreté ont pris depuis le 20ème siècle, une tournure qui va à l’encontre d’un équilibre microbien fonctionnel.

Malgré toutes ces découvertes, l’aseptisation de notre environnement et de notre alimentation a perduré jusqu’à aujourd’hui, détruisant tous les micro-organismes sans distinction. Une destruction délétère pour notre santé.

Autrement dit, parce que nous mangeons une nourriture ultra transformée, trop aseptisée et que nous désinfectons notre corps comme notre environnement sans le moindre discernement, nous ne mettons pas en place les fondements d’un bon fonctionnement métabolique.

En réalité, on s’aperçoit surtout du rôle du microbiote en creux c’est-à-dire lorsqu’il ne peut plus bien travailler et que des dysfonctionnements apparaissent.

On commence à comprendre que de nombreuses pathologies chroniques dépendent également de sa diversité. Ainsi le développement des pathologies inflammatoires chroniques de l’intestin serait du autant à une prédisposition génétique qu’à l’absence de certains types de bactéries.

De même, de nombreuses études ont démontré la corrélation entre le manque de certaines souches bactériennes et le développement de maladies telles que le diabète, les allergies, l’autisme, la dépression ou l’obésité, toutes reliées à la pauvreté de nos microbes symbiotiques.

Il faut être mis en contact avec une grand diversité de micro-organismes pour avoir une colonisation microbiale optimale et protectrice.


Ley RE, Turnbaugh PJ, Klein S, Gordon JI. Microbial ecology: human gut microbes associated with obesity.Nature. 2006;444(7122):1022-1023.

Russell SL, Finlay BB. The impact of gut microbes in allergic diseases.Curr Opin Gastroenterol. 2012;28(6):563-569.

Hornig M. The role of microbes and autoimmunity in the pathogenesis of neuropsychiatric illness.Curr Opin Rheumatol. 2013;25(4):488-795.


-> Pour comprendre comment faire revenir les microbes pour booster notre système immunitaire, c’est ici.

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